Le Dr Christophe Prudhomme est médecin au Samu 93. Son billet dans l’Humanité du mercredi 13 mai s’intitule « Amertume ».
« Alors que le déconfinement est vécu comme une libération par la population, il n’en va pas de même à l’hôpital. La mobilisation a été fatigante, mais la solidarité a permis de tenir. Tout le monde s’accorde sur le fait que l’ambiance de travail pendant ces quelques semaines a été bien meilleure que ce que nous avons connu ces dernières années. Les renforts venus d’autres régions, les petites attentions du boulanger, l’amélioration des repas… Tout cela nous apportait un peu de soleil au quotidien Mais, depuis quelques jours, nous revenons aux repas de l’hôpital dont tout le monde connaît la qualité, nous nous retrouvons de nouveau avec des plannings en sous-effectifs…
En bref, nous revenons à la vie d’avant, ce qui, psychologiquement, est très dur à supporter. La tension retombe au niveau de l’intensité du travail, mais elle devient palpable dans les relations entre collègues, avec la hiérarchie et les directions. Nous venons par ailleurs d’apprendre que la fameuse prime ne sera pas versée en mai, mais en juin. Nos collègues en CDD n’ont aucune perspective concrète de titularisation alors qu’ils se sont dépensés sans compter pendant la période la plus difficile. Et, cerise sur le gâteau, un de mes collègues ambulanciers, dont le dossier a été accepté dans une école d’infirmiers.ères, se voit refuser la prise en charge financière de sa formation. Son amertume est teintée de colère. Alors que des lits sont fermés aujourd’hui parce que nous manquons d’infirmiers.ères, le dispositif de promotion professionnelle permet d’avoir à disposition, sous contrat pendant au moins cinq ans, les professionnels dont les études ont été financées par l’hôpital.
Nous voyons bien ici la perversité des gens qui nous dirigent. Ils créent sciemment une pénurie de professionnels pour rendre inéluctables les restructurations et les diminutions de capacités hospitalières. Ils viennent nous expliquer ensuite la bouche en cœur, ces faux-culs, qu’ils ne sont pas responsables et qu’il n’y a pas d’alternatives. Eh bien si, une autre politique est nécessaire et possible. Puisque la vie reprend, nous allons aussi reprendre nos mobilisations pour obtenir la satisfaction de nos revendications légitimes et qui, j’ose le croire, seront soutenues massivement par la population qui nous a applaudis. »