Jeudi 1er octobre, le livre Charlie Hebdo, 50 ans de liberté d’expression sort aux éditions Les Échappés. 328 pages qui retracent toutes les formes de censure rencontrées par Charlie Hebdo depuis 1970.
Le journal Charlie Hebdo est né de la censure d’un autre journal, L’Hebdo Hara-Kiri, interdit en 1970 par le ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, au nom de la « protection de la jeunesse ». L’affront : avoir ironisé sur la mort du général de Gaulle. À l’époque, toute la presse, ou presque, avait soutenu l’équipe de Cavanna et de Choron. Trente-six ans plus tard, en 2006, Charlie Hebdo, de nouveau, affirmait son engagement pour la liberté de la presse, la liberté d’expression, la liberté de conscience, le droit au blasphème, le droit à la satire, en publiant les caricatures de Mahomet du Jyllands-Posten. Il était inconcevable de ne pas le faire : des journalistes et des dessinateurs danois étaient menacés de mort, les religieux fanatiques menaçaient des démocraties, tandis qu’en France le rédacteur en chef de France-Soir venait d’être licencié par sa direction pour avoir publié le premier les caricatures déclarées impies. Mais cette fois, le soutien fut moins unanime. Il fut surtout question d’huile sur le feu…
Depuis cinquante ans, souvent bien malgré lui, Charlie est en première ligne du combat pour que s’exerce sans contraintes autres que les limites de la loi cette liberté de penser, de dire, d’écrire et de dessiner. C’est l’histoire de ce combat que retrace le livre qui sort cette semaine aux éditions Les Échappés, Charlie Hebdo, 50 ans de liberté d’expression. Combat contre toutes les censures, pratiquées aussi bien par des institutions établies que par des autorités morales autoproclamées.
Tout au long de ces cinquante ans – avec une interruption entre décembre 1981 et juillet 1992 –, Charlie s’est confronté à tous les empêcheurs de déconner et de réfléchir sans ceinture de chasteté, à l’armée, aux autorités religieuses de toutes catégories et chapelles, aux politiques soucieux de leur image immaculée, aux donneurs de leçons hypocrites, à des médias trop frileux, trop entravés par leurs propriétaires industriels, trop souvent, aussi, plus soucieux de séduire leurs annonceurs que d’informer leurs lecteurs. Sans oublier, toujours plus présente aujourd’hui, cette « néocensure » insidieuse mais tout aussi dangereuse, exercée non plus par des institutions mais par des groupes d’individus érigés en croisés de la pureté totalitaire.
Animé par la volonté d’user de cette précieuse liberté garantie par la loi fondamentale et, au fil des ans, par la jurisprudence, Charlie a survécu à tout : aux leçons de bienséance, aux procès en avalanche, à l’incendie de ses locaux, au massacre d’irremplaçables compagnons de route, aux menaces qui s’accumulent. Et il a bien l’intention d’en reprendre encore pour au moins cinquante ans. En votre compagnie.
Gérard Biard – Paru dans l’édition 1471 de Charlie Hebdo du 30 septembre 2020