Jean Chiama, commandeur des Palmes Académiques, est président de l’association départementale des membres de l’ordre des Palmes Académiques (Amopa) et du comité départemental du prix de la Résistance et de la Déportation. Il est unanimement reconnu pour son engagement sans faille dans de nobles causes et pour l’éducation des jeunes, son incroyable érudition et son indéfectible humanisme.
En janvier 2021, il a livré à ses amis cette brillante et émouvante réflexion sur la terrible crise sanitaire que nous traversons :
« Le temps dévore la vie », ce n’est pas nouveau, mais il le fait brutalement.
En 2020, le monde est frappé de stupeur, c’est partout l’affolement, l’angoisse, la peur du présent et de l’avenir. Le repliement, la distanciation sont presque la règle. L’incertain permanent est insupportable. Nous vivons une situation cocasse où le slogan « Vivre ensemble » est remplacé par « Restez chez vous » !
> Rire de soleil
« Comment donner des ailes à l’enthousiasme ? » se demandait Edmond Rostand. Est-ce possible de sortir de ce vide partiel, de ce réel étouffant ? Il manque une oreille pour nous écouter bien souvent.
Or, comme l’écrit Michel de Montaigne, « l’amitié se nourrit de communication ». Où trouver ce que La Bruyère nomme joliment le « rire de soleil » ?
L’esprit humain nous permet de communiquer des pensées, de prendre du recul face aux événements. Si j’en juge par les innombrables discours contradictoires, les informations vraies ou fausses ou celles qui paraissent vraies et qui se révèlent fausses et vice-versa, les statistiques et chiffres, les projections mathématiques, inlassablement fournis par la presse et ne parlons pas des réseaux sociaux, au seul sujet de la crise causée par le virus…l’esprit humain se porte bien…mais le virus encore mieux !
Il est inattendu, mais pas imprévisible. Le voilà qu’il se transforme, ce qui n’est pas nouveau pour un virus, à la manière de ces fameux dribbleurs en football, de Matthews à Neymar, en passant par Best ou Garrincha… faisant tourner en « bourrique » les adversaires, comme peuvent l’être les plus éminents spécialistes en virologie aujourd’hui par les transformations endiablées de ce « SARS-CoV-2 ».
> Dévouement sans limite
Les périodes difficiles sont révélatrices de « grandes âmes » comme de comportements infâmes.
Le dévouement sans limite de nombreuses personnes réchauffe notre esprit. Ils sont nombreux, mais je tiens à citer comme exemple majeur le docteur Christian Chenay presque centenaire.
Cet homme presque centenaire est toujours médecin et continue de soigner. Vous avez dû en entendre parler, mais permettez-moi de le mettre en valeur. Il interrompt des études médicales pour cause de IIe Guerre Mondiale, pendant laquelle il va s’occuper du service d’autopsie à l’hôpital de Nantes. Il est réquisitionné pour soigner les personnes victimes du typhus et de la typhoïde. À la fin de la guerre, il reprend ses études en psychiatrie, puis chercheur et enseignant aux États-Unis comme spécialiste en neurologie et lésions cérébrales.
Aujourd’hui, avec un tel parcours étonnamment riche, il est toujours aussi passionné, volontaire et médecin dans l’âme au secours de ses patients en région parisienne. Sa vie est un exemple et sa science, son discernement, ses réflexions, mériteraient un meilleur écho, à l’heure où n’importe quelle personne donne son avis sur tout : c’est un vrai « Niagara d’informations ! »
Je n’ai pas encore lu les écrits du docteur, « Et si la vieillesse n’était pas un naufrage ? Seniors, réveillez-vous. » et « Le manuel de survie des retraités », mais je vais chercher à le faire.
> Les cons, ça ose tout…
Pour tenter de vous faire sourire, j’ai évoqué le discernement à propos du docteur Chenay. Savez-vous que des paroles de Michel Audiard interprétées par Lino Ventura dans une des scènes immortelles des « Tontons flingueurs » rejoignent celles de…saint Thomas d’Aquin ? Je viens de l’apprendre.
« Les cons (sous-entendu ceux qui ne réfléchissent pas), ça ose tout, et c’est même à cela qu’on les reconnaît. »
Or, saint Thomas d’Aquin écrit en latin : « Omnes stulti, et deliberatione non utentes,omnia tentant ». Nous pouvons traduire à peu près par : « Tous les imbéciles, et ceux qui ne se servent pas de leur discernement, ont toutes les audaces. » Le discernement, c’est la prudente recherche des possibilités de réussir, l’examen des aléas et de ses conséquences.
Certes, ce mot audace et la prise de risque sont indispensables dans l’action, mais la démesure aveugle n’est pas une audace calculée, réfléchie. Le saint théologien utilise un vocabulaire dans la « Somme théologique » plus noble, mais…
> Voir se lever l’aurore
L’histoire de l’humanité nous apprend que les heures roses peuvent succéder aux heures brunes. Apollinaire l’a écrit :
« Faut-il qu’il m’en souvienne,
La joie venait toujours après la peine. »
Je vous donne un conseil pour mieux vous porter et je l’emprunte à Musset parlant de La Fontaine et du livre des Fables : « Ouvrez-le sur votre oreiller, vous verrez se lever l’aurore. » Passionnant, éternel et tellement encore d’actualité !