Sacha Mokritzky, créateur et rédacteur en chef du site « Reconstruire », a assumé seul la conférence-débat proposée par Mathieu Turon au Pingouin Alternatif, samedi 2 avril : son collègue Anthony Cortes, journaliste au magazine « Marianne », était en effet empêché pour raison de Covid.
C’est donc avec beaucoup de dynamisme et de conviction que le jeune conférencier a construit son discours autour de la guerre des représentations, du mépris de classe et de la bataille culturelle de la France périphérique. D’un abord simple et chaleureux, il a su intéresser la trentaine de personnes présentes avec lesquelles il a développé un échange enrichissant.
> Métropole refermée sur elle-même
Pour Sacha Mokritzky, né dans le milieu du cirque et ayant vécu essentiellement dans la France rurale, le choc culturel a eu lieu lors de sa découverte du monde parisien. Sa réflexion s’est alors structurée en s’appuyant sur le travail du géographe Christophe Guilluy, auteur de l’ouvrage paru en 2014 « La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires ».
Comme lui, il dresse le constat de l’exode des classes populaires vers le rural (jusqu’à 90 % d’ouvriers et d’employés), de plus en plus séparées des grandes métropoles « mondialisées et gentrifiées », lieux de résidence des classes dirigeantes et des « bobos » : il évoque à ce sujet, non sans humour, « la gauche Biocop et Naturalia ».
La métropole s’est donc refermée sur elle-même, se débarrassant petit à petit des gens qui ne lui servent à rien et leur déniant le droit de parole : ces urbains qui sont de « nulle part » ou de « partout » (anywhere), se sentant chez eux à Paris comme à New York, à Londres ou à Berlin, méprisent les gens de la France périphérique qui, eux, sont de « quelque part » (somewhere).
> Remettre de l’humain
La carte de l’indice de fragilité sociale confirme cette fracture entre la métropole, où se concentre la richesse, et la province où les gens ont le sentiment d’avoir perdu leurs sécurités essentielles, économique, physique et culturelle : emploi, santé, services publics…
D’où le rejet des gouvernants qui, depuis 30 ans, ne changent rien, favorisant la disparition de cette périphérie en accentuant les divisions par des clivages binaires et une simplification de la pensée : « Il faut chercher à comprendre pourquoi beaucoup ne votent plus ».
En conclusion, Sacha Mokritzky se veut quand même positif et croit à une évolution naturelle : « On doit prendre conscience qu’on peut construire un avenir culturel commun, exiger d’être respecté pour ce que l’on est, d’être reconnu dans sa dignité, et savoir remettre de l’humain ».