Labastide-Monréjeau : quand l’ancien maire et l’actuel s’affrontent au tribunal

Photo Quentin Top, Sud-Ouest

L’ancien maire de Labastide-Monréjeau, Yves Piednoir, a attaqué le PLU de son village, sur fond de querelles avec son successeur, Jean-Simon Leblanc. Mais le tribunal administratif l’a débouté de ses demandes et l’a condamné à verser 1 500 euros à la commune.

Blanc et noir, yin et yang. Deux catégories parfaitement opposées mais aussi complémentaires, selon la pensée taoïste. L’un ne va pas sans l’autre. À Labastide-Monréjeau, petit village de l’Ouest Béarn, ce concept complexe est personnifié par Jean-Simon Leblanc et Yves Piednoir, respectivement l’actuel et l’ex-maire de la commune. Depuis que le deuxième de ces messieurs a décidé de laisser vacant son siège municipal en 2014, et que son ancien coéquipier s’est dévoué pour le remplacer, rien ne va plus.

Loin de profiter d’une retraite paisible, Yves Piednoir fait régulièrement parler de lui au Conseil municipal. « Il a appelé la préfecture quantité de fois pour quantité de sujets. J’aimerais bien que ça s’arrête… », soupire Jean-Simon Leblanc. Depuis 2022, l’antagonisme a pris une autre tournure, lorsque l’ancien maire a décidé d’attaquer en justice une délibération du Conseil municipal de son successeur.

Il s’agissait de l’approbation du plan local d’urbanisme (PLU), document charnière qui fixe les règles communales en termes d’aménagement du territoire, voté en séance le 28 février 2022. Auprès du tribunal administratif de Pau, qui a statué sur cette bataille en avril 2025, Yves Piednoir demandait l’annulation du PLU de Labastide-Monréjeau, ainsi que le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dépenses de justice engagées.

> Le commissaire-enquêteur, partial ? 

Parmi les arguments avancés, qu’il a lui-même défendus devant le tribunal administratif en l’absence de son avocat, Yves Piednoir pointait qu’au cours de l’enquête publique, le commissaire-enquêteur n’aurait pas examiné dans son rapport les observations émises par le public, et aurait manqué de surcroît « à son obligation d’impartialité dans la rédaction de son rapport ». Ce qui aurait entaché d’erreurs de droit la délibération adoptée par le Conseil municipal.

Ce soupçon émis sur l’impartialité de l’enquêteur tient probablement au fait que ce dernier, dans ses conclusions, évoque des « problèmes relationnels » entre messieurs Leblanc et Piednoir, et précise que « la majorité des observations de M. Piednoir ne font pas avancer le dossier et font référence à de nombreuses délibérations du Conseil municipal lorsqu’il était maire ».

Le tribunal argue que ces commentaires ne sortent pas du cadre de la procédure : non seulement le commissaire-enquêteur peut émettre un avis personnel sur le dossier, mais il en a même le devoir. « Les conclusions émises par le commissaire-enquêteur ou la commission d’enquête à l’issue de l’enquête publique doivent être motivées. Elles lui imposent d’indiquer au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis », indique le rapporteur en se fondant sur l’article R. 123-19 du Code de l’environnement.

> « Ils n’ont jamais regardé mes documents ! »

Par ailleurs, Yves Piednoir « soutient que la commune de Labastide-Monréjeau aurait dû prendre en compte la position exprimée par le service national d’ingénierie aéroportuaire du Sud-Ouest de la direction générale de l’aviation civile ». Celle-ci avait émis la suggestion d’ajouter, à la liste des servitudes publiques, une servitude de catégorie T7, qui concerne des installations « situées hors des zones de dégagement et qui en raison de leur hauteur pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne. »

En cause, notamment, une antenne située à côté de l’autoroute A64. « Le Conseil municipal a reçu trois lettres pour dire qu’il fallait corriger la liste des servitudes. Ils ont dit qu’ils la modifieraient mais ils ne l’ont jamais fait », observe Yves Piednoir. Le tribunal indique qu’une « telle omission […] est sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme ».

À plusieurs reprises, le tribunal note que l’ancien maire se montre imprécis ou ne produit pas les éléments nécessaires à ses démonstrations. Ce que l’intéressé conteste. Il cite en exemple son argument selon lequel le PLU ne fait pas figurer les délimitations des zones d’assainissement collectif et non collectif dans ses annexes.

« Il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un zonage d’assainissement collectif a été élaboré dans la commune de Labastide-Monréjeau », indique le tribunal. « Or le 25 janvier 2019, le Conseil municipal a justement approuvé le zonage de l’assainissement collectif. En fait, ils n’ont jamais regardé mes documents ! Pour moi, c’est difficile d’encaisser ça ! », peste Yves Piednoir.

> La raison du litige

Interrogé sur ses motivations à dénoncer le PLU de son village, l’ancien maire admet que c’est un sujet ayant trait à la voie dans laquelle il réside, l’impasse d’Ossau, qui l’a fait réagir. « Il y a un projet de nouveau lotissement au bout de l’impasse, ce qui aura pour effet d’augmenter la circulation. Avec le voisinage, nous demandons que l’impasse soit sécurisée pour qu’on puisse se croiser. »

De son côté, le tribunal administratif de Pau a décidé de rejeter la requête d’Yves Piednoir, et l’a même condamné à verser 1 500 euros à la commune au titre des frais de justice que celle-ci a dû engager. Le requérant n’exclut pas de faire appel de cette décision, ce que redoute Jean-Simon Leblanc. « Les frais d’avocat ont coûté près de 5 000 euros, on perd du temps et de l’argent. On peut peut-être tourner la page et passer à autre chose ? Moi je ne défends que l’intérêt de la commune. D’autres s’acharnent parce qu’ils ne savent pas passer une retraite tranquillement… » Pardieu, il faut bien que vieillesse se passe !

Etienne Czernecka, Journal Sud-Ouest – 26 mai 2025

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