Ci-dessous, éditorial de Bruno Dive, dans le journal Sud-Ouest du jeudi 2 juin, évoquant la polémique au sujet de l’équipe de France de football et le « procès d’intention en racisme contre Didier Deschamps ».
« Des Bleus à l’âme
Karim Benzema et Éric Cantona feraient mieux de retourner l’un à ses cassettes vidéo, l’autre à ses films, plutôt que de s’aventurer sur le terrain glissant de la politique. En instruisant – après quelques autres – un procès d’intention en racisme contre Didier Deschamps, ils ont non seulement perdu une occasion de se taire, mais aussi terni pour de mauvaises raisons la réputation de l’équipe de France, à quelques jours de l’Euro.
Et Benzema est d’autant plus mal placé pour se plaindre qu’il a tenu dans un passé pas si ancien des propos peu amènes sur la France et sur « La Marseillaise ». Quand donc en finirons-nous avec cette insupportable police de la pensée qui traque, derrière chaque mot ou chaque geste, un supposé racisme ? Bien sûr que celui-ci existe en France, comme ailleurs, et il doit être combattu. Mais ce n’est pas parce que le Front national obtient
des scores élevés qu’il faut soupçonner le sélectionneur des Bleus des pires arrière-pensées. Et ce n’est pas parce que Didier Deschamps porte « un nom bien français » qu’il est nécessairement raciste.
En le chargeant de telles accusations, ses contempteurs se rendent coupables de ce qu’ils dénoncent : une sorte de racisme à l’envers, anti-Blancs. Il aurait donc fallu, sous prétexte qu’ils portent un nom arabe, que Benzema ou Ben Arfa soient automatiquement sélectionnés, même si leur présence dans l’équipe devait porter préjudice à la cohésion du groupe ? Autant décréter tout de suite des quotas, mais des quotas selon quels critères : la « race », la religion, l’ethnie ?
Et, puisque mieux vaut en plaisanter, pourquoi ne pas imposer aussi la parité et la présence de cinq ou six femmes chez les Bleus…
S’il est une « institution » nationale qui ne saurait être soupçonnée de racisme, c’est bien l’équipe de France de football, celle de Zidane, de Thuram et de Thierry Henry. Et s’il est un sport fédérateur, propre à favoriser l’intégration, c’est bien le football. Les terroristes du 13 novembre ne s’y étaient pas trompés, qui avaient commencé par viser le Stade de France. Sans doute ne faut-il pas demander aux compétitions majeures plus que ce qu’elles peuvent apporter. La victoire de l’équipe black-blanc-beur en 1998 n’a pas empêché, hélas, la montée des communautarismes. Mais il ne faut pas non plus faire porter au football le poids de tous les péchés et l’accuser de céder à une France supposée « raciste », comme le font des donneurs de leçons de morale à quatre sous. »
Bruno Dive, Sud-Ouest, Jeudi 2 juin 2016.