Dans ce monde d’après, qu’on nous prédisait meilleur, on rêvait de circuits courts, de relocalisation, de consommation responsable… Las ! Malgré la crise sanitaire, malgré la poussée verte des municipales, il ressemble furieusement à celui d’hier. En pire !
La crise sanitaire n’est pas encore finie, mais déjà les illusions s’effacent. On aurait tant voulu y croire, pourtant, à cette promesse d’un monde nouveau. Un monde plus humain, plus juste, plus respectueux de l’environnement, moins financier, moins consumériste… plus désirable, enfin. On rêvait de circuits courts, de relocalisation, de consommation responsable. Demain, les bullshit jobs allaient disparaître, et les professions sous-payées être enfin reconnues à leur juste valeur. Combien de tribunes de chercheurs, d’experts, de sociologues pour célébrer l’avènement de cet avenir radieux, tandis que Nicolas Hulot proposait 100 principes pétris de bonnes intentions pour en poser les premières pierres… Il y était question de « transformer la peur en espoir », de « réanimer notre humanité », de « redonner du sens au progrès », de se « réapproprier le bonheur »…
> Des promesses hors-sol
C’était en mai dernier, c’était il y a un siècle, tant ces promesses paraissent aujourd’hui hors-sol. Houellebecq avait raison : le monde d’après, en vérité, ressemble furieusement au monde d’avant. En pire. On s’y engage masqués, sans visibilité, ballottés entre des injonctions contradictoires, tétanisés par l’angoisse d’une possible deuxième vague, et plus encore par la récession qui s’annonce.
Adopter une consommation écoresponsable ? On n’y est pas. Les ventes des hypermarchés Leclerc et Lidl s’envolent. Même si le segment du bio a frémi, ce que veulent d’abord et surtout les Français, ce sont des prix bas. Avons-nous au moins pris goût à la frugalité ? Selon l’Insee, les dépenses de consommation des ménages ont dépassé de 2,3 % en juin le niveau de février, avant le confinement, et cette reprise concerne à peu près tous les postes de dépenses. Les déplacements décarbonés ? Malgré la construction de centaines de kilomètres de pistes cyclables, un tiers des trajets domicile-travail de moins de 2 kilomètres se font toujours en voiture… Voyager différemment ? Mi-août, un premier méga-navire de croisière, sans doute ce qui se fait de pire en matière de tourisme – et de risque sanitaire –, vient de reprendre la mer en Méditerranée.
> L’urgence climatique ne semble plus être une priorité planétaire
A croire que le Covid n’est qu’une parenthèse. Le capitalisme financier n’est guère parti pour se remettre en question, quand on voit la famille Mulliez (propriétaire notamment d’Auchan) racheter son enseigne Alinéa placée en liquidation judiciaire avec 1 000 salariés en moins. Malgré la poussée verte dans plusieurs villes de France aux municipales, l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique ne semble plus être une priorité planétaire. La fonte de la calotte glaciaire du Groenland vient d’atteindre un point de non-retour dans une indifférence presque totale. La destruction de la forêt amazonienne se poursuit. Les Etats-Unis autorisent des forages pétroliers dans une zone naturelle protégée en Alaska.
Quant à notre nouvelle ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, elle vient de manger son chapeau en autorisant les betteraviers à utiliser un insecticide contre lequel elle avait elle-même bataillé en 2016, expliquant alors que c’était un poison, dangereux non seulement pour les abeilles, mais aussi pour notre santé ! Emmanuel Macron avait été l’un des premiers à nous promettre en mars dernier un nouveau monde. La nomination prochaine de François Bayrou comme commissaire au Plan en est un curieux symbole. Pas franchement annonciateur de renouveau.