On connaît les limites de l’analyse métaphorique qu’offrent les équipes nationales, pour décrire l’état de notre société. Mais Thomas Legrand, mardi 22 mars sur France Inter, ose un édito sur le grand chelem du XV de France !
« L’équipe de foot de 1998, souvenez-vous la France black-blanc-beur.
Mais une équipe nationale n’est pas censée représenter la population du pays. On ne doit pas chercher à s’identifier à elle. Régulièrement l’extrême-droite regrette que le 11 de France ne soit pas à l’image pigmentaire de la France ! En réalité, chaque sport a une spécificité sociologique et géographique. Le foot, sport populaire par excellence, est, en raison de ses caractéristiques, le seul sport collectif à pouvoir être pratiqué dans la rue, avec juste un ballon, sans équipement, gratuitement.
> C’est LE sport des quartiers populaires
Le 11 de France est logiquement celui des banlieues françaises. Il en a la couleur. C’est normal. Ce qui est beau, justement, c’est sa popularité dans tout le pays. Seuls les racistes estiment que la couleur des joueurs devrait correspondre au nuancier de la population française dans son ensemble. C’est absurde.
Qui aurait l’idée de trouver qu’il y a trop d’accent du sud-ouest dans le 15 de France ? Le 11 de France de foot est un vecteur de cohésion nationale, parce que la quasi-totalité des Français ne s’intéressent qu’à la couleur du maillot !
> Et que dit le XV de France de rugby de notre société ?
C’est une autre sociologie. Le rugby ne peut pas être populaire comme le foot parce qu’il ne peut pas être pratiqué dans la rue. Pour jouer au rugby, il faut des éducateurs, du gazon et un arbitre ! C’est donc un sport associatif, de clubs. Il réunit traditionnellement des étudiants, des enfants de la classe moyenne rurale du sud-ouest et maintenant, depuis les années 1980, des jeunes issues des quartiers grâce à des clubs formateurs comme Bobigny, Massy ou Toulon.
Aujourd’hui, le XV de France est composé de garçons issus de petites villes du sud-ouest, de familles d’agriculteurs, comme le haut-pyrénéen Antoine Dupont et le gersois Antony Jelonch, ou de banlieues comme Gael Fikou de la Seyne sur Mer, Cameron Woki de Saint-Denis ou Mohamed Aouas d’un quartier populaire de Montpellier.
Le XV de France est un mix de jeunes ruraux et de banlieues. En ce moment, certains politiques opposent ces deux populations, tentent de les antagoniser.
Mais on s’aperçoit que ces garçons ont beaucoup plus en commun que ce que les tenants de l’archipélisation française prétendent.
Les reportages sur la vie de leur groupe, leurs goûts musicaux plus dictés par leur âge de gamins mondialisés que par leurs terroirs, leurs aspirations, le montrent.
Il n’y a pas plus collectif que ce sport où, le plus souvent, ce sont les arrières qui se retrouvent devant pour marquer les points.
La soudaine popularité de cette équipe n’est pas due qu’à sa performance sportive mais aussi sans doute à l’impression de cohésion qu’elle dégage, comme un miroir positif, une parabole, une image sublimée de ce que voudrait être le pays pour conjurer le spectre des fractures françaises si facile à attiser et si utile aux extrêmes.
Merci d’avoir partagé cet édito de Thomas Legrand ! Il est en effet des évidences qui n’en sont pas pour tout le monde et qu’il est bon de rappeler de temps en temps.
Profitons en pour dire que le le match France – Angleterre fut un bel instant de rugby , et bravo les Bleus.