Dans « L’Obs » du 24 avril 2022, Bruno Patino, président d’Arte, analyse, à l’heure des écrans pour tous et de l’omniprésence des réseaux sociaux, le passage de l’« Homo sapiens » à l’« Homo numericus ».
Voici ce qu’il dit notamment à propos de l’influence des réseaux sociaux.
Quel type de croyance ces réseaux promeuvent-ils ?
Avant tout, ils promeuvent la croyance en général ! L’explication est assez simple. Les réseaux ont un principe d’organisation des messages tournés vers l’efficacité économique. Leur modèle d’affaires est celui de l’économie de l’attention, qui vise à nous faire rester le plus longtemps possible sur leur réseau afin de développer leur chiffre d’affaires publicitaire. En conséquence, leurs algorithmes mettent en avant et font circuler les messages les plus « rentables », c’est-à-dire ceux qui attirent le plus notre attention, et ceux que l’on va avoir le plus tendance à partager pour attirer l’attention des personnes avec qui nous sommes en relation sur les réseaux. Et plus un message engage nos émotions, nos réactions « tripales », plus vite nous le regardons et plus nous le viralisons.
Ce n’est pas parce que les réseaux n’ont pas d’idéologie qu’ils sont neutres. Ils ont longtemps défendu l’idée qu’ils étaient comme le facteur avec le courrier qu’il transporte. Vous ne pouvez pas les tenir pour responsables des messages présents sur leurs plateformes. Mais il faut imaginer un facteur qui distribuerait certaines lettres mille fois plutôt qu’une, et qui par ailleurs en ferait la promotion auprès de certaines personnes à qui elles ne sont pas destinées ! C’est en cela que les réseaux sont des mécanismes d’accélération et d’amplification. Et ce qu’ils accélèrent et amplifient, c’est tout ce qui est en relation avec nos « tripes » : pulsions, émotions, croyance, complot, outrance… Tout cela est « mécaniquement » favorisé.