La Ronde des Savoirs en Béarn a organisé en juillet une conférence-débat sur le rôle des grands-parents dans la famille d’aujourd’hui, avec le psychologue François Quillet. Voici un compte-rendu de cette réunion, rédigé par Vidiane Le Régent, présidente de l’association.
« Un moment de réflexion et de convivialité !
Nous sommes grands-parents ! Nous avons quel âge ? 50, 60, 70 ans ? Et nos petits enfants ? Parfois, 40 ans et plus d’années nous séparent !
Nous, les grands-parents, avons été élevés dans le respect de nos aînés : nous devions obéir, sans contester. On nous a aussi appris que travailler était une valeur importante. Par contre, notre tendresse à l’égard de notre famille, nos émotions, nous devions les mettre au second plan, voire les cacher.
À nos enfants, nous avons tenté de transmettre nos fondements : Honneur – Patrie – Travail. 1968 a semé quelques lézardes dans nos certitudes. Là où nous avions des convictions, le doute s’est insinué ! L’indépendance de la femme, les nouvelles technologies, la confrontation avec la réalité (par le biais de la Télévision), l’ère à outrance de la consommation y ont participé.
Nos enfants ont été élevés avec des certitudes déjà moins tranchées que les nôtres : le travail ? Ils connaissent le chômage ! La famille ? Ils connaissent d’autres parentèles…
Nos apprentissages ont été rejetés par nos enfants qui vivent dans une société différente, multi-culturelle, une famille polynucléaire. La rupture entre ces deux mondes a entraîné un manque de communication entre nous ( les grand-parents) et nos enfants (parents de nos petits-enfants). Aujourd’hui, les jeunes adultes sont plus réactifs que nous, ils connaissent de nouvelles technologies, de nouveaux modèles familiaux.
L’univers d’un enfant, outre son père et sa mère, ses grand-parents biologiques, c’est aussi d’autres substituts parentaux, une fratrie élargie et des papy et mamy qu’ils partagent.
Un décalage est aussi vécu par les parents qui ont une sexualité plus visible, où le risque du SIDA est venu interroger les relations sexuelles.
La fidélité était la norme, même si les relations adultérines ne manquaient pas, mais on les cachait ! Aujourd’hui,les relations conjugales peuvent être multiples, homo ou hétéro. Nos petits-enfants vivent dans ce monde-là maintenant, tellement différent du nôtre !
Quel rôle ont donc les grands-parents dans le contexte d’aujourd’hui ?
Nous, les grands-parents, nous devons passer le témoin ; nous devons limiter notre rôle à cela. Nos conseils fondés sur des valeurs devenues désuètes sont inappropriées.
L’investissement que nous avons connu dans le travail est dépassé. Aujourd’hui, l’information est immédiate, elle franchit les frontières.
Immanquablement, notre rapport aux autres a dû changer profondément.
On ne communique plus avec des hommes, des femmes, mais avec des partenaires…
L’enfant, qui avait une place dans sa famille, est devenu l’enfant-roi.
Ses parents ont à peine le droit de le gronder : on abdique devant les enfants !
Là,où les grand-parents constatent du laxisme dans l’éducation de leurs petits enfants, un fossé se creuse encore avec nos enfants devenus leurs parents.
Les grands-parents constatent seulement des enfants « pourris-gâtés » ! Ils n’ont plus la notion du mérite, de l’effort à faire pour atteindre un but !
Aujourd’hui, les enfants sont dans le virtuel, le nez plongé sur leur tablette numérique, avec des milliers d’amis… virtuels .
La mutation professionnelle est aussi profonde pour nos enfants devenus parents : 90 % des métiers que nous avons connus ont ou vont disparaître. Mais le positif c’est que les 90 % des nouveaux métiers restent à inventer.
Quand on est un enfant d’aujourd’hui, on a dans la tête, le monde de demain.
Chaque ancien est porteur de son passé. Mais on ne vit pas avec le passé !
Les parents peuvent expliquer à leurs enfants le quotidien de la vie, mais il appartient à leur enfant de créer le monde de demain !
Quel rôle ont les parents d’aujourd’hui ?
Ce que vivent les parents d’aujourd’hui ne nous était pas connu : le chômage, les ruptures conjugales, les parentèles élargies…
Ils doivent créer de nouveaux référentiels éducatifs. Ils doivent apprendre à leurs enfants la notion de responsabilité.
Nous, les grands-parents, devons leur rappeler les valeurs d’hier qu’on peut essayer de réactualiser ensemble.
On peut leur monter où peut conduire tel ou tel comportement. Mais on ne peut pas représenter l’autorité, ni leur imposer des règles, nous n’avons rien à apprendre à nos petits-enfants que d’être à leur écoute avec bienveillance.
Il faut laisser les enfants voir, toucher, observer, comprendre. Nous ? On peut seulement leur montrer les conséquences.
Le grand-parent doit être celui qui est dans le recul, qui doit aider à donner du sens, qui doit leur expliquer en quoi le respect reste une valeur humaine importante. Il faut cesser de penser que l’autre est un double de nous-mêmes.
Quand on est sur un piédestal, comme aujourd’hui l’enfant-roi, on n’apprend rien !
L’enfant d’aujourd’hui a une capacité de développement beaucoup plus rapide que nous.
Là où on avait 16 ans à l’adolescence, nos petits enfants ont 10-12 ans !
Ils connaissent leurs parents au chômage, souvent très longtemps.
Quelle image leur transmet une société qui les conforte dans l’idée qu’ils sont inutiles et qu’ils ne peuvent que manquer de confiance en eux !
Quand les parents travaillent, ils n’ont plus de temps pour écouter leurs enfants. S’ils ont du temps, ils vont consommer ensemble du loisir !
Le grand-parent peut rappeler à chaque enfant qu’il a une valeur, qu’il est utile, que l’argent n’est pas l’aboutissement de tout.
Où sont-ils les lieux de notre enfance, où nous apprenions à vivre ensemble ?
Les colonies de vacances, le scoutisme, là où les grands apprenaient aux plus jeunes ?
La notion d’échanges de savoirs disparaît, rien n’est gratuit ! Le parrainage n’existe plus !
Nous, les grands-parents, nous ne devons rien imposer à nos petits-enfants car nous n’avons plus toutes les clefs. Nous pouvons seulement être une force de propositions s’ils le veulent !
Mais, toujours, nous devons faire confiance à nos petits-enfants et le féliciter quand il fait des choses respectueuses de « l’humanité ».
Féliciter notre petit-enfant ! C’est important parce qu’il se sentira plus fort dans sa vie !
Oui ! On a tous un rôle à jouer auprès de nos petits enfants, mais ce n’est pas celui de nos enfants qui sont des parents plongés dans leur travail, dans leurs difficultés socio-économiques, dans leur vie affective.
On doit être à côté d’eux, avec un regard bienveillant pour chacun (enfant et petit-enfant). »