Sur l’île d’Oléron, l’association Roule ma Frite 17 milite pour la légalisation de l’huile alimentaire usagée comme carburant, dans une démarche sociale et environnementale, comme elle le fait depuis quinze ans.
Rouler à l’huile de friture en France ? Ça n’est pour tout de suite. Les particuliers souhaitant utiliser légalement ce biocarburant devront encore attendre. Le 22 juillet dernier, les députés avaient pourtant adopté à l’unanimité l’amendement de Julien Bayou dans le cadre du projet de loi sur le pouvoir d’achat. Mais la Commission mixte paritaire qui a élaboré le texte définitif voté depuis a supprimé la disposition. Néanmoins, le débat n’est pas clos. Le gouvernement remettra un rapport au Parlement au plus tard le 1er janvier 2023 « évaluant les conséquences de l’autorisation d’utiliser des huiles alimentaires usagées comme carburant pour les véhicules ».
Les agriculteurs, les pêcheurs et les collectivités territoriales demeurent les seules entités autorisées à utiliser de l’huile alimentaire usagée comme carburant. « Malheureusement, mon amendement adopté à l’unanimité à l’assemblée a été modifié au Sénat », regrette Julien Bayou interrogé par Le HuffPost. Il promet de « revenir à la charge à la rentrée ».
Tous les véhicules ne sont pas concernés par cette mesure, seules les anciennes motorisations diesel sont compatibles. Et surtout, attention : ne versez pas l’huile de votre friteuse dans votre voiture, vous risqueriez de l’abîmer. L’huile qui remplace le gazole dans le réservoir du véhicule est essentiellement récoltée auprès des restaurateurs qui ont depuis 2012 l’obligation de recycler leurs huiles usagées. Mais elle suit un processus de décantation et de filtration avant d’être réutilisée. Des associations comme Roule ma Frite, que nous avons interrogée, ou des industriels gèrent tout le circuit de recyclage de la cuisine du restaurant au réservoir de votre voiture.
Selon les saisons, l’huile de friture n’est pas consommée de la même manière. Elle peut-être utilisée à 100 % durant l’été ou diluée à l’approche de l’hiver car elle se fige à basse température. Pour les personnes souhaitant réaliser des trajets longs ou collectifs, il existe le principe de la bicarburation. C’est-à-dire alterner entre l’essence et l’huile alimentaire usagée afin de consommer moins. Ce procédé fonctionne même en hiver car la chaleur créée par le moteur diesel permet de faire chauffer l’huile. Cette utilisation de l’huile de friture convient parfaitement pour le concept de mobilité sociale prônée par l’association Roule ma Frite 17.
> Pour un usage collectif et local
L’association a été fondée sur l’île d’Oléron (Charente-Maritime) par Grégory Gendre à une époque où la majorité du parc automobile français pouvait rouler avec de l’huile alimentaire usagée.
Roule ma Frite milite pour un usage collectif et local de ce biocarburant articulé autour de quatre grandes idées : la mobilité sociale, le monde agricole, le tourisme et la précarité énergétique. Par exemple, un bus permettant aux résidents âgés de l’île de se déplacer fonctionne à l’huile de friture. Le véhicule de l’association affiche plus de 200 000 kilomètres au compteur. Le petit train qui fait le tour de l’île suit le même exemple. Il permet de sensibiliser des milliers de touristes chaque année sur l’économie circulaire.
Pour le monde agricole, il s’agit de bénéficier d’un carburant propre, abondant et qui n’est pas lié aux évolutions du contexte géopolitique comme cela peut être le cas de l’essence. Chaque année, Roule ma Frite récolte environ 40 000 litres d’huiles alimentaires usagées sur l’île et jusqu’à 100 tonnes en comptant les restaurateurs et collectivités territoriales du proche continent. Les huiles récoltées – les moins sales – sont filtrées dans un entrepôt situé dans le Bassin de Marennes.
Le biocarburant n’est pas la seule issue possible pour les huiles de friture. Elles sont aussi valorisées au profit de l’économie locale, sous forme de nettoyant pour coques de bateaux ostréicoles ou encore d’huile pour tronçonneuse. Le recyclage des huiles alimentaires usagées permet également d’éviter leur rejet dans les égouts et la pollution des nappes phréatiques. C’est aussi des milliers d’euros d’économie pour les collectivités dans le traitement des canalisations.
Abdou-Karim Diop, Huffpost, 7 août 2022.