En 1918, on fabriquait des masques contre la grippe dite « espagnole ».
Comment allons-nous vivre le port du masque rendu obligatoire par le Covid-19 ? Effrayant sur Dark Vador ou séduisant sur Zorro, signe de civisme en Chine, marque de duplicité en France… Selon les cultures, le traitement artistique ou l’actualité, les lectures souvent contradictoires ne manquent pas !
Luc Le Chatelier, dans Télérama, nous propose une réflexion très riche.
Sortir, masqués. Dans la rue, le métro. Et maintenant, aussi au bureau ? En quelques semaines, le Covid-19 a fait de nous des confinés. D’abord entre quatre murs, puis derrière un bout de tissu. Après l’invisibilité, nous voilà silhouettes anonymisées et mutiques – comment parler muselé ? – gardant la bonne « distanciation sociale » dans la queue devant le supermarché, dans le bus, entre collègue… Et là, malaise. Comment respirer ? Comment se comporter face aux autres ? Comment leur parler et les comprendre ? Le sourire se voit-il ?
L’objet passe mal. D’abord parce qu’il contrevient aux fondements de notre culture républicaine : dans l’espace public, on sort à visage découvert. Sans remonter jusqu’aux philosophes des Lumières, qui, selon Frédéric Keck, directeur du laboratoire d’anthropologie sociale au CNRS, désignaient le masque – utilisé par la noblesse pour ses frasques libertines – comme la quintessence de l’hypocrisie, rappelons simplement les débats sur le voile.
Et la loi du 11 octobre 2010 qui en a découlé pour interdire « le port de cagoules, de voiles intégraux (burqa, niqab…), de masques ou de tout autre accessoire ou vêtement ayant pour effet de dissimuler le visage ». Pensons aussi à l’ultime mouture de la loi anticasseurs, le 11 avril 2019, en plein mouvement des Gilets jaunes — il y a un an à peine ! Son article 6 crée « un délit de dissimulation volontaire du visage puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
> Derrière le masque, on devient autre
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