4,6 milliards d’habitants de la planète ont volontairement renoncé à leur mobilité, leur travail et leur vie sociale, sans grandes et notables protestations. Ces milliards de personnes ont de plein gré abandonné les aspects les plus fondamentaux de leur liberté, alors que nous manquons encore, dans les faits, d’informations-clés (par exemple, combien d’individus sont réellement contaminés et donc quel est le pourcentage réel des décès). Elles ont été confinées à leur domicile (à supposer qu’elles en aient eu un), confirmant l’assertion de Thomas Hobbes selon laquelle la peur de la mort est la passion politique la plus puissante, et que nous serons toujours prêts à sacrifier notre liberté pour notre sécurité. Ce que le confinement de ces milliards de personnes a démontré, c’est l’extraordinaire pouvoir de l’État dans le monde entier et, partout, l’extraordinaire capacité d’obéissance des citoyens à ce dernier.
Comment savons-nous que l’État a été extraordinairement puissant ? Par la facilité avec laquelle il a émis et mis en œuvre des décrets et des décisions parfois absurdes. Israël a interdit à ses citoyens de marcher au-delà de 100 mètres de leur domicile (alors que la France, avec 10 fois plus de personnes contaminées, a autorisé un périmètre de 1 km) ; Modi a confiné plus d’un milliard d’Indiens du jour au lendemain, sans leur laisser le temps de se préparer, précipitant des millions de pauvres sur les routes de l’Inde, où certains ont parfois trouvé la mort. Israël a autorisé les prières publiques mais pas les cours de yoga… Toutes ces aberrations et incohérences prouvent l’énorme pouvoir de l’État et la soumission des citoyens.
Les néolibéraux trompettent depuis 40 ans que l’État est trop fort, inefficace, bouffi, superflu. Mais ils sont nombreux parmi eux à avoir été contraints de faire volte-face, du jour au lendemain. Après des décennies passées à considérer une croissance économique sans fin comme l’incontournable condition des sociétés, la dimension politique et morale des affaires humaines a fait son grand retour au premier plan des préoccupations publiques.
Seulement, la politique qui nous est revenue est d’un genre totalement nouveau : il s’agit d’une politique sur les conditions de vie, qui aura à gérer de plus en plus de catastrophes naturelles – écologiques et biologiques. Le Coronavirus nous offre ainsi un aperçu sur ce que pourrait être une politique dont le but serait de garantir les conditions de vie alors que l’environnement et le climat nous menacent d’effondrement.
Mais – et c’est la leçon n°2 – tous les États n’ont pas exercé leur pouvoir de la même manière Continuer la lecture →